BANQUE DE DEVOIRS

 

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TEXTE 10
TU N'AIMES PAS LA MUSIQUE

Pour Franz, c'est l'art qui se rapproche le plus de la beauté dionysiaque conçue comme ivresse. On peut difficilement s'étourdir avec un roman ou un tableau, mais on peut s'enivrer avec la Neuvième de Beethoven, avec la Sonate pour deux pianos et percussion de Bartok, et avec une chanson des Beatles. Franz ne fait pas de distinction entre la grande musique et la musique légère. Cette distinction lui paraît hypocrite et vieux jeu. Il aime pareillement le rock et Mozart.
Pour lui, la musique est libératrice : elle le libère de la solitude et de l'enfermement, de la poussière des bibliothèques, elle ouvre dans le corps des portes par où l'âme peut sortir pour fraterniser. Il aime danser et regrette que Sabina ne partage pas avec lui cette passion.
Ils dînent ensemble au restaurant et les hauts-parleurs accompagnent leur repas d'une musique bruyante et rythmée.
Sabina dit :«C'est un cercle vicieux. Les gens deviennent sourds parce qu'ils mettent la musique de plus en plus fort. Mais comme ils deviennent sourds, il ne leur reste olus qu'à augmenter le volume.»
- Tu n'aimes pas la musique ? demande Franz.
- Non, dit Sabina. Puis elle ajoute :«Peut-être que si je vivais à une autre époque ...» et elle pense à l'époque de Johann Sébastian Bach où la musique ressemblait à une rose épanouie sur l'immense plaine neigeuse du silence.
Le bruit sous le masque de la musique la poursuit depuis qu'elle est toute jeune. Quand elle était étudiante aux Beaux-Arts, elle devait passer des vacances entières au Chantier de la jeunesse, comme on disait alors. Les jeunes étaient logés dans des baraquements collectifs et travaillaient à la construction des hauts fourneaux. De cinq heures du matin à neuf heures du soir les hauts-parleurs crachaient une musique hurlante. Elle avait envie de pleurer, mais la musique était gaie et on ne pouvait y échapper nulle part, ni aux waters ni au lit sous la couverture, il y avait des hauts-parleurs partout. La musique était comme une meute de chiens lâchés sur elle.

Milan KUNDERA, L'Insoutenable légèreté de l'être (1984)


QUESTIONS :

1. Quelle est la conception de Franz de la musique ?

Réponse

2. Quelle est la conception de Sabina de la musique ?

Réponse

3. a. Franz valorise la musique qu'il aime. Relevez les différents indices qui le montrent.
b. Sabina dévalorise la musique qu'elle n'aime pas. Relevez les différents indices qui le montrent.

Réponse