BANQUE DE DEVOIRS

 

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TEXTE 4
LE JOUR OU ELLE RENCONTRA THOMAS

(Tereza travaille comme serveuse dans un café)

Tereza se faufilait entre les ivrognes, son corps ployait sous le poids des chopes qu’elle portait sur un plateau, et elle avait l’âme au creux de l’estomac ou dans le pancréas. A ce moment, elle entendit Tomas l’appeler. Cet appel était important, car il venait de quelqu’un qui ne connaissait ni sa mère ni les ivrognes dont elle entendait chaque jour les remarques obscènes et éculées. Son statut d’inconnu l’élevait au-dessus des autres.

Et quelque chose d’autre aussi : un livre ouvert était posé sur la table. Dans ce café, personne n’avait encore jamais ouvert de livre sur une table. Pour Tereza, le livre était le signe de reconnaissance d’une fraternité secrète. Contre le monde de la grossièreté qui l’entourait, elle n’avait en effet qu’une seule arme : les livres qu’elle empruntait à la bibliothèque municipale ; surtout des romans : elle en lisait des tas. Ils lui offraient une chance d’évasion imaginaire en l’arrachant à une vie qui ne lui apportait aucune satisfaction, mais ils avaient aussi un sens pour elle en tant qu’objets : elle aimait se promener dans la rue avec des livres sous le bras. Ils étaient pour elle ce qu’était la canne élégante. Ils la distinguaient des autres.

Donc, l’homme qui venait de l’appeler était à la fois inconnu et membre d’une fraternité secrète. Il parlait d’un ton courtois, et Tereza sentit son âme s’élancer à la surface par toutes ses veines, tous ses capillaires et tous ses pores pour être vue de lui.

Milan KUNDERA, L’Insoutenable légèreté de l’être (1984)


QUESTIONS :

1. Quelles sont les caractéristiques de Tomas qui ont attiré Tereza ?

Réponse

2. Quelles sont les conditions de travail de Tereza ?

Réponse

3. Pour quelles raisons Tereza aimait-elle lire les livres ?

Réponse