BANQUE DE DEVOIRS
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TEXTE 6
MA MERE PARLE DE LUI
Ma mère, comme toutes les femmes
de sa ville, ne désignait jamais mon père autrement que par le pronom personnel arabe
correspondant à «lui». Ainsi, chacune de ses phrases, où le verbe, conjugué à la
troisième personne du masculin singulier, ne comportait pas de sujet nommément
désigné, se rapportait-elle naturellement à l'époux. Ce discours caractérisait toute
femme mariée de quinze à soixante ans, encore que sur le tard le mari, s'il était allé
en pélerinage à la Mecque, pouvait être évoqué par le vocable de «Hadj»
Très tôt, petits et grands, et plus particulièrement fillettes et femmes, puisque les
conversations importantes étaient féminines, s'adaptaient à cette règle de la double
omission nominale des conjoints.
Après quelques années de mariage, ma mère apprit progressivement le français. Propos
hésitants avec les épouses des collègues de mon père; ces couples pour la plupart
étaient venus de France et habitaient, comme nous, le petit immeuble réservé aux
enseignants du village.
Je ne sais exactement quand ma mère se mit à dire :«mon mari est venu, est parti... je
demanderai à mon mari», etc. Je retrouve aisément le ton, la contrainte de la voix
maternelle; le tour scolaire des propositions, la lenteur appliquée de l'énonciation
sont évidents, bien qu'en apprenant ainsi sur le tard le français, ma mère fît des
progrès rapides. Je sens pourtant, combien il a dû coûter à sa pudeur de désigner,
ainsi directement mon père.
Une écluse s'ouvrit en elle, peut-être dans ses relations conjugales. Des années plus
tard, lorsque nous revenions, chaque été, dans la cité natale, ma mère, bavardant en
arabe avec ses soeurs ou ses cousines, évoquait presque naturellement, et même avec une
pointe de supériorité, son mari : elle l'appelait, audacieuse nouveauté, par son
prénom ! oui, tout de go, abruptement allais-je dire, en tout cas ayant abandonné tout
euphémisme et détour verbal. Avec ses tantes ou ses parentes plus âgées, elle revenait
au purisme traditionnel, par pure concession cette fois : une telle libération du langage
aurait paru, à l'ouïe des vieilles dévotes, de l'insolence ou de l'incongruité...
Des années passèrent. Au fur et à mesure que le discours maternel évoluait,
l'évidence m'apparaissait à moi, fillette de dix ou douze ans déjà : mes parents,
devant le peuple des femmes, formaient un couple, réalité extraordinaire.
QUESTIONS :
1. Quelle est la
structure de ce texte ? |
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2. Que signifient les différentes
appellations du mari ? |
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3. Vocabulaire : |
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