BANQUE DE DEVOIRS

 

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TEXTE 8
LE VENT A DJEMILA

Dans une splendeur aride, nous avions erré toute la journée. Peu à peu, le vent à peine senti au début de l'après-midi, semblait grandir avec les heures et remplir tout le paysage. Il soufflait depuis une trouée entre les montagnes, loin vers l'est, accourait du fond de l'horizon et venait bondir en cascades parmi les pierres et le soleil. Sans arrêt, il sifflait avec force à travers les ruines, tournait dans un cirque de pierres et de terre, baignait les amas de blocs grêles, entourait chaque colonne de son souffle et venait se répandre en cris incessants sur le forum qui s'ouvrait dans le ciel. Je me sentais claquer au vent comme une mâture. Creuse par le milieu, les yeux brûlés, les lèvres craquantes, ma peau se dessechait jusqu'à ne plus être mienne. Par elle, auparavant je déchiffrais l'écriture du monde. Il y traçait les signes de sa tendresse ou de sa colère, la réchauffant de son souffle d'été ou la mordant de ses dents de givre mais si longuement frotté du vent, secoué depuis plus d'une heure, étourdi de résistance, je perdai conscience du dessin que traçait mon corps. Comme le galet verni par les marées, j'étais poli par le vent, usé jusqu'à l'âme. J'étais un peu de cette force selon laquelle je flottais, puis elle enfin, confondant les battements de mon sang et les grands coups sonores de ce coeur partout présent de la nature. Le vent me façonnait à l'image de l'ardente nudité qui m'entourait. Et sa fugitive étreinte me donnait, peirre parmi les pierres, la solitude d'une colonne ou d'un olivier dans le ciel d'été.
Ce bain violent de soleil et de vent épuisait toutes mes forces de vie. A peine en moi ce battement d'ailes qui affleure, cette vie qui se plaint, cette faible révolte de l'esprit. Bientôt répandu aux quatre coins du monde, oublieux, oublié de moi-même, je suis ce vent et dans le vent, ces colonnes et ces arc, ces dalles qui sentent chaud et ces montagnes pâles autour de la ville déserte. Et jamais je n'ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde.

Albert CAMUS, Noces (1938)


QUESTIONS :

1. Quelle est la structure de ce texte ?

Réponse

2. Les éléments naturels sont humanisés. Relevez les différents indices qui le montrent.

Réponse

3. Le ton de ce texte est fantastique. Relevez les différents indices qui le montrent.

Réponse