BANQUE DE DEVOIRS

 

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POURQUOI ÉCRIVEZ-VOUS ?

En mai 1962, Ionesco donne une conférence dont le texte est ensuite publié dans " Notes et Contre notes ".


'Pourquoi écrivez-vous?" demande-t-on souvent à l'écrivain. "Vous devriez le savoir", pourrait répondre l'écrivain à ceux qui posent la question. "Vous devriez le savoir puisque vous nous lisez, car si vous nous lisez et si vous continuez à nous lire, c'est que vous avez trouvé dans nos écrits de quoi lire, quelque chose comme une nourriture, quelque chose qui répond à votre besoin. Pourquoi donc avez-vous ce besoin et quelle sorte de nourriture sommes-nous? Si je suis écrivain, pourquoi êtes-vous mon lecteur? C'est en vous- même que vous trouvez la réponse à la question que vous me posez." Le lecteur ou le spectateur répondra, schématiquement, qu'il lit, qu'il va au spectacle, pour s'instruire ou pour se divertir. En gros, ce sont les deux sortes de réponses possibles. S'instruire : cela veut dire savoir ce qu'est celui qui écrit et ce qu'il écrit; ou bien le plus modeste dira que c'est pour trouver des questions auxquelles lui-même ne peut répondre. Celui qui veut se divertir, c'est-à-dire oublier ses soucis du jour, se réjouir de la beauté de ce qu'il lit ou regarde, vous reprochera de l'ennuyer s'il considère que vous avez l'air de vouloir l'instruire ou de lui faire la leçon. Celui qui veut s'instruire pourra, s'il considère que vous avez l'air de vouloir l'amuser peut-être à ses dépens et le distraire, vous reprocher de ne pas donner de réponse à tous les problèmes que lui-même ne peut pas résoudre. Dès que quelqu'un a écrit un sonnet, un vaudeville, une chanson, un roman, une tragédie, les journalistes se précipitent sur lui pour savoir ce que l'auteur de la chanson ou de la tragédie pense du socialisme, du capitalisme, du bien, du mal, des mathématiques, de l'astronautique, de la théorie des quantas, de l'amour, du football, de la cuisine, du chef de l'État. "Quelle est votre conception de la vie et de la mort ?", me demandait un journaliste sud-américain lorsque je descendais la passerelle du bateau avec mes valises à la main. Je posai mes valises, essuyai la sueur de mon front et le priai de m'accorder vingt ans pour réfléchir à la question, sans toutefois pouvoir l'assurer qu'il aura la réponse. 'C'est bien ce que je me demande, lui dis-je, et j'écris pour me le demander." Je repris mes valises tout en pensant que je devais l'avoir déçu. Tout le monde n'a pas la clef de l'univers dans sa poche ou dans sa valise. Si un écrivain, un auteur, me demandait, à moi, pourquoi je lis, pourquoi je vais au spectacle, je répondrais que j'y vais, non pas pour avoir des réponses mais pour avoir d'autres questions; non pas pour acquérir la connaissance, mais, tout simplement, pour faire connaissance avec ce quelque chose, avec ce quelqu'un qu'est une oeuvre. Ma curiosité de savoir s'adresse à la science et aux savants. La curiosité qui me dirige au théâtre 'au musée, au rayon littérature du libraire est d'une autre nature . Je veux connaître le visage et le coeur de quelqu'un que j'aimerai ou que je n'aimerai pas.
L'écrivain est embarrassé par les questions qu'on lui pose parce qu'il se les pose lui-même et parce qu'il s'en pose bien d'autres, parce qu'il se doute aussi qu'il y a d'autres questions qu'il pourrait se poser mais qu'il n'arrivera jamais à se poser ; encore moins à leur répondre.

Eugène IONESCO, Notes et Contre notes, 1962


LES QUESTIONS:

A. THEMES DU TEXTE:
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B. TON DU TEXTE:

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C. LE TYPE DE TEXTE :

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