LA MORT D'ISEUT Blessé, Tristan ne veut pas mourir sans revoir Iseut,
la femme du roi Marc de Cornouaille, qu'il aime d'un amour impossible. Son beau-frère
Kaherdin part la chercher : si la voile du navire, au retour, est blanche, c'est qu'il
ramène Iseut; sinon, elle sera noire. Iseut n'hésite pas un instant à prendre la mer
pour répondre à l'appel de Tristan. Mais, en mer, c'est le calme plat et le navire,
alors qu'il allait bientôt aborder, est retenu, immobile, au large. Cependant que
Tristan, épuisé, se désespère, sa femme imagine une ruse perfide : elle lui annonce
qu'elle a vu la nef de Kaherdin et que la voile est noire, alors qu'elle est blanche ...
Tristan prononce trois fois le nom d'Iseut et meurt à la quatrième.
Alors pleurent, par la maison, les chevaliers, les
compagnons, leur cri est haut, leur plainte est grande. Chevaliers et serviteurs sortent ;
ils portent le corps hors de son lit, puis le couchent sur du velours et le couvrent d'un
drap brodé. Le vent s'est levé sur la mer et frappe la voile en plein milieu: il pousse
la nef vers la terre. Iseut est sortie de la nef ; elle entend les grandes plaintes dans
la rue, les cloches des moutiers, des chapelles. Elle demande aux hommes les nouvelles :
pourquoi sonner, pourquoi ces pleurs? Alors un ancien lui dit: "Belle dame, que Dieu
m'aide, nous avons ici grande douleur : nul n'en connut de plus grande. Tristan le preux,
le franc, est mort: c'était le soutien de ceux du royaume. Il était généreux pour les
pauvres et secourable aux affligés. D'une plaie qu'il avait au corps, en son lit il vient
de mourir; jamais si grand malheur n'advint à notre pauvre peuple".
Dès qu'Iseut apprend la nouvelle, de douleur elle ne peut dire un mot. Cette mort
l'accable d'une telle souffrance qu'elle va par la rue, vêtements en désordre,
devançant les autres, vers le palais. Les Bretons ne virent jamais femme d'une telle
beauté : ils se demandent, émerveillés, par la cité, d'où elle vient et qui elle est.
Iseut arrive devant le corps; elle se tourne vers l'Orient, et, pour lui, elle prie en
grande pitié., "Ami Tristan, quand vous êtes mort, en raison je ne puis, je ne dois
plus vivre. Vous êtes mort par amour pour moi et je meurs, ami, par tendresse pour vous
puisque je n'ai pu venir à temps pour vous guérir, vous et votre mal. Ami, ami! de votre
mort, jamais rien ne me consolera, ni joie, ni liesse, ni plaisir. Maudit soit cet orage
qui m'a tant retenue en mer, ami, que je n'ai pu venir ici! Si j'étais arrivée à temps,
ami, je vous aurais rendu la vie, je vous aurais parlé doucement de l'amour qui fut entre
nous ; j'aurais pleuré notre aventure, notre joie, notre bonheur, la peine et la grande
douleur qui ont été en notre amour. J'aurais rappelé tout cela, je vous aurais
embrassé, enlacé. Si je n'ai pu vous guérir, ensemble puissons-nous mourir! Puisque je
n'ai pu venir à temps, que je n'ai pu savoir votre aventure et que je suis venue pouj7
votre mort, le même breuvage me consolera. Pour moi vous avez perdu la vie etj 'agirai en
vraie amie: pour vous je veux mourir également".
Elle l'embrasse; elle s'étend, lui baise la
bouche et la face ; elle l'embrasse étroitement. Aussitôt elle rend l'âme et meurt
ainsi, tout contre lui, pour la douleur de son ami.
THOMAS ET BEROUL, Tristan et
Iseut, entre 1150 et 1200.
LES QUESTIONS:
A. STRUCTURE DU TEXTE:
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STRUCTURE DU TEXTE:
1- 10 |
- la mort de Tristan |
11 - 26 |
- le désespoir d'Iseut |
27 - 28 |
- le suicide d'Iseut |
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B. TYPE DE TEXTE:
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TYPE DE TEXTE:
- Type narratif / Procédés d'écriture:
Nombreux verbes |
- est d'ortie / entend / demande |
Actions successives:
- Indications de temps |
...
- puis / alors / dès que / aussitôt que |
Temps de la narration : le présent |
- entend / demande |
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C. TON DU TEXTE:
- Ton dramatique ( tragique ) /
Procédés d'écriture:
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TON DU TEXTE:
- Ton dramatique ( tragique ) / Procédés d'écriture:
1. MOYENS
STYLISTIQUES |
Hyperbole |
- leur cri est haut / leur plainte est
grande |
Répétitions |
- grande ... grandes ... grande ...
grand.... |
Redondance |
- elle rend l'âme et meurt / ni joie
ni liesse |
2. MOYENS
GRAMMATICAUX |
Forme négative |
- ni joie, ni liesse / jamais rien ne
me consolera |
Emploi du conditionnel passé |
- si j'étais arrivé à temps, je
vous aurais rendu la vie ( hypothèse irréalisable car impossible ) |
3. MOYENS
LEXICAUX |
Champ lexical de la mort |
- pleurent / portent le corps / mort /
une plaie / malheur / cloches / cri |
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