PAUL ET VIRGINIE Elevés ensemble depuis leur jeune âge et
passionnément amoureux l'un de l'autre, Paul et Virginie voient leur amour contrarié par
leurs parents. Eloignée de son amant, Virginie tente de le rejoindre à bord d'un
vaisseau, le Saint-Géran qui est pris dans une tempête formidable.
Leur histoire est devenue le symbole de la tragédie de l'amour et l'oeuvre de Bernardin
de SAINT-PIERRE de donner naissance à un mythe littéraire.
La mer, soulevée par le vent, grossissait à
chaque instant, et tout le canal compris entre cette île et l'île d'Ambre n'était
qu'une vaste nappe d'écumes blanches, creusée de vagues noires et profondes. Ces écumes
s'amassaient dans le fond des anses à plus de six pieds de hauteur, et le vent, qui en
balayait la surface, les portait par-dessus l'escarpement du rivage à plus d'une
demi-lieue dans les terres. À leurs flocons blancs et innombrables qui étaient chassés
horizontalement jusqu'au pied des montagnes, on eût dit d'une neige qui sortait de la
mer. L'horizon offrait tous les signes d'une longue tempête; la mer y paraissait
confondue avec le ciel. Il s'en détachait sans cesse des nuages d'une forme horrible qui
traversaient le zénith avec la vitesse des oiseaux, tandis que d'autres y paraissaient
immobiles comme de grands rochers. On n'apercevait aucune partie azurée du firmament une
lueur olivâtre et blafarde éclairait seule tous les objets de la terre, de la mer, et
des cieux.
Dans les balancements du vaisseau, ce qu'on craignait arriva. Les câbles de son avant
rompirent; et comme il n'était plus retenu que par une seule aussière il fut jeté sur
les rochers à une demi-encablure du rivage. Ce ne fut qu'un cri de douleur parmi nous.
Paul allait s'élancer à la mer, lorsque je le saisis par le bras: "Mon fils, lui
dis-je, voulez - vous périr ? - Que j'aille à son secours, s'écria-t-il,ou que je
meure!"
Comme le désespoir lui ôtait la raison, pour prévenir sa perte, Domingue et moi lui
attachâmes à la ceinture une longue corde dont nous saisîmes l'une des extrémités.
Paul alors s'avança vers le Saint-Géran, tantôt nageant, tantôt marchant sur les
récifs. Quelquefois il avait l'espoir de l'aborder, car la mer, dans ses mouvements
irréguliers, laissait le vaisseau presque à sec, de manière qu'on en eût pu faire le
tour à pied; mais bientôt après, revenant sur ses pas avec une nouvelle furie, elle le
couvrait d'énormes voûtes d'eau qui soulevaient tout l'avant de sa carène, et
rejetaient bien loin sur le rivage le malheureux Paul, les jambes en sang, la poitrine
meurtrie, et à demi noyé. A peine ce jeune homme avait-il repris l'usage de ses sens
qu'il se relevait et Ë retournait avec une nouvelle ardeur vers le vaisseau, que la mer
cependant entrouvrait par d'horribles secousses. Tout l'équipage, désespérant alors de
son salut, se précipitait en foule à la mer, sur des vergues, des planches, des cages à
poules, des tables, et des tonneaux.
On vit alors un objet digne d'une éternelle pitié: une jeune demoiselle parut dans la
galerie de la poupe du Saint-Géran, tendant ses bras vers celui qui faisait tant
d'efforts pour la joindre. C'était Virginie. Elle avait reconnu son amant à son
intrépidité. La vue de cette aimable personne, exposée à un si terrible danger, nous
remplit de douleur et de désespoir. Pour Virginie, d'un port noble et assuré, elle nous
faisait signe de la main, comme nous disant un éternel adieu. Tous les matelots
s'étaient jetés à la mer. Il n'en restait plus qu'un sur le pont, qui était tout nu et
nerveux comme Hercule. Il s'approcha de Virginie avec respect :
nous le vîmes se jeter à ses genoux, et s'efforcer même de lui ôter ses habits; mais
elle, le repoussant avec dignité, détourna de lui sa vue. On entendait aussitôt ces
cris redoublés des spectateurs: « Sauvez-la, sauvez-la; ne la quittez pas!»
Mais dans ce moment une montagne d'eau d'une effroyable grandeur s'engouffra entre l'île
d'Ambre et la côte, et s'avança en rugissant vers le vaisseau, qu'elle menaçait de ses
flancs noirs et de ses sommets écumants. A cette terrible vue le matelot s'élança seul
à la mer; et Virginie, voyant la mort inévitable, posa une main sur ses habits, l'autre
sur son coeur, et levant en haut des yeux sereins, parut un ange qui prend son vol vers
les cieux.
O jour affreux! hélas! tout fut englouti. La lame jeta bien avant dans les terres une
partie de ses spectateurs qu'un mouvement d'humanité avait portés à s'avancer vers
Virginie, ainsi que le matelot qui l'avait voulu sauver à la nage. Cet homme, échappé
à une mort presque certaine, s'agenouilla sur le sable, en disant :« O mon Dieu! vous
m'avez sauvé la vie, mais je l'aurais donnée de bon coeur pour cette digne demoiselle
qui n'a jamais voulu se déshabiller comme moi.» Domingue et moi nous retirâmes des
flots le malheureux Paul sans connaissance.
Bernardind--SAINT-PIERRE , Paul et Virginie, 1788
LES QUESTIONS:
A. LES
CARACTERISTIQUES DESCRIPTIVES (du 1er paragraphe) /¨Procédés d'écriture:
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LES CARACTERISTIQUES DESCRIPTIVES ( du 1er paragraphe ) /¨Procédés
d'écriture:
1. LES
MOYENS GRAMMATICAUX |
Noms complétés par des adjectifs |
- vastes nappes / vagues noires |
Noms complétés par des compléments
du nom |
- l'île d'Ambre / signes d'une
tempête |
Noms complétés par des propositions
relatives |
- flocons qui étaient chassés / une
corde dont nous saisîmes les extrémités |
Temps : l'imparfait |
- grossissait / s'amassaient |
2. LES MOYENS
STYLISTIQUES |
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Accumulation |
- les objets de la terre, de la mer,
des cieux |
Personnification |
- la mer grossissait / le vent
balayait |
Hyperbole |
- flocons innombrables / grossissait
à chaque instant |
Métaphore |
- l'île était une nappe d'écumes |
3. LES MOYENS LEXICAUX |
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Le lexique de la
sensation: |
La vue |
- blancs / lueur verdâtre / forme
horrible |
L'ouïe |
- le vent |
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B. LES CARACTERISTIQUES NARRATIVES
(paragraphe 2 - dernier paragraphe):
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LES CARACTERISTIQUES NARRATIVES ( paragraphe 2 - dernier paragraphe ):
LES
MOYENS GRAMMATICAUX |
Nombreux verbes |
- attachâmes / vit / s'engouffra |
Actions successives:
a. indications de lieu
b. indications de temps |
.
- sur les rochers / vers le vaisseau
- quelquefois / mais bientôt après / à peine / dans ce moment |
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C. LE TON DU TEXTE:
* TON TRAGIQUE:
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LE TON DU TEXTE:
TON TRAGIQUE:
LES
MOYENS LEXICAUX |
Le lexique de la mort |
- périr / perte / danger / éternel
adieu / la mort / jour affreux / tout fut englouti / mort certaine |
LES
MOYENS STYLISTIQUES |
L'hyperbole |
- ce ne fut qu'un cri de douleur / le
désespoir lui ôtait la raison |
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D. LE NIVEAU THEMATIQUE:
* TRAITS DE CARACTERE DE :
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TRAITS
DE CARACTERE DE :
a. PAUL: |
Courageux |
- Paul allait s'élancer / il se
relevait et retournait |
Sensible |
- le désespoir lui ôtait la raison |
b.
VIRGINIE: |
Courageuse |
- voyant la mort inévitable / d-un
port [...] assuré |
Calme |
- elle nous faisait signe de la main |
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