BANQUE DE DEVOIRS

 

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MOI ZEUS, ROI DES DIEUX

Maurice DRUON a trouvé un moyen original de rafraîchir nos souvenirs. Il ressuscite le maître de l'Olympe et lui donne la parole. Zeus raconte les péripéties qui lui ont permis d'accéder à la toute puissance. Il s'adresse aux mortels pour leur parler de l'âge d'or perdu de l'âge d'or à édifier. Sous la plume de M. DRUON, la mythologie rejoint l'actualilté et tente d'éclairer les hommes.


Moi, Zeus, j'ai fait un long somme.
Mais voici que quelques rumeurs dans les nuées, où j'ai cru reconnaître, hommes, vos entreprises, m'ont éveillé.
Ma paupière s'est soulevée, et j'ai regardé la Terre; je n'y ai distingué que peu de nouveautés. Aucune montagne, durant ma nuit de deux mille ans, ne s'est effacée; les fleuves coulent toujours vers les mêmes mers, en mordant toujours un peu plus les courbes externes de leur lit; quelques embouchures de deltas se sont comblées. L'encre que projette la seiche attaquée a toujours la même couleur; les papillons portent sur les ailes la même poudre qu'y avait répandue mon grand-père; le taureau présente le même renflement de la septième cervicale, et l'asphodèle balance ses thyrses au versant des mêmes talus.
En vérité, on ne saurait tenir pour choses nouvelles, chez vous les hommes, les artifices de votre ingéniosité toujours insatisfaite, vos accès d'agressivité meurtrière, ni votre détestable disposition à la pyromanie. Je ne sais que trop, hélas! de qui vous les avez hérités.
Vos plus récentes conquêtes, sur l'espace, la pesanteur et la durée, peuvent vous paraître immenses et vous enfler d'orgueil; mais contemplées d'où je les aperçois, elles prennent une moindre mesure.
Vous êtes toujours incapables, seuls, de vous muter en dieux. Aucun de vous n'a su infuser la vie au marbre; et quand vous croyez avoir fabriqué un lac, vous devez nuit et jour en surveiller la bonde, de crainte qu'il ne crève et vous noie.
Les champs où votre action s'est élargie sont ceux de l'errance plus que de la liberté-, et vous avez davantage accru vos angoisses que vous n'êtes parvenus à réduire vos fatalités.
En revanche, bien des choses, parmi vous, semblent oubliées.
Mortels à qui j'adresse mes paroles, vous n'imaginez les dieux, quand encore vous songez à les imaginer, qu'assis sur des trônes de gloire, ou bien allongés, voluptueux, sur des couches fleuries pour y respirer distraitement l'encens des louanges et étirer en de flottantes béatitudes les délices d'un temps distendu.
Mortels, chers mortels, apprenez votre erreur, et ne confondez pas ce que vous voudriez être avec ce que nous sommes.
Vivre n'est pas plus aisé lorsqu'on est dieu que lorsqu'on est simple passant. Moi, Zeus, roi des dieux, dieu des rois, je vais vous conter mon histoire...
Je n'ai pas connu l'Âge d'Or. Il prit fin quand s'effondra le continent d'Atlantide et était déjà terminé lorsque je naquis.
Ainsi, mortels, vous le notez, votre race est antérieure à la plupart des dieux.
Je sais, par ma tante Mémoire, que les hommes qui vivaient aux jardins d'Atlantide étaient de deux à trois pieds plus hauts que vous. Vos statues les plus admirables ne donnent qu'une faible idée de ce qu'était leur beauté en marche.
Ils ignoraient peines, misères et soucis. Leurs maisons n'avaient pas de portes car tout appartenat à tous. Les biens autour d'eux existant en inépuisable abondance, la guerre leur était inconnue; et nul n'avait désir de posséder plus, ni motif de se vouloir plus puissant qu'autrui. Ils étaient également exempts de jalousie; hommes et femmes s'unissaient librement, suivant les incitations diverses et renouvelées des harmonies naturelles.
Les animaux n'éprouvaient pas de peur devant l'homme, car celui-ci ne somgeait pas à tuer. Les Atlantes ne se nourissaient que de grains, d'oeufs et de fruits, instruits qu'ils étaient de leur droit à prendre pour subsistance des principes ou réserves de vie, mais non de jamais trancher aucune existence déjà manifestée.
Les Atlantes n'usaient que de peu de mots, sachant que toute parole émise engendre d'actives vibrations heureuses ou néfastes, et qu'il faut en mesurer l'emploi. Mais ils avaient communication intégrale de pensée à pensée, et non cet échange infirme et partiel qui depuis, faute de mieux, constitue le langage humain. Ils utilisaient la totalité du plus merveilleux appareillage cellulaire qu'avait concu Ouranos et qu'il avait logé sous leurs beaux fronts. Ils pouvaient s'appeler et se répondre, silencieusement, à de longues distances, et se voir également, par sélection de toutes les ondes passant à leur portée. Enfin, ils entendaient la sublime musique des mondes tournant l'univers, qui les entretenait dans un état de félicité éblouie et faisait de leur vie une constante fête.

Maurice DRUON, Les Mémoires de Zeus, 1963


LES QUESTIONS:

* PASSAGE n°1: « Ligne 1 ... je naquis »
A. LE NIVEAU THEMATIQUE:
Réponse

B. TON DE CE PASSAGE:
- Ton pathétique / Procédés d'écriture:

Réponse

* PASSAGE n°2 : « Ainsi ... la fin du texte »
A. LE NIVEAU THEMATIQUE:

Réponse

B. TON DE CE PASSAGE:
- Ton euphorique / Procédés d'écriture:

Réponse